Aelys, l'Implacable.

« Ma vie ? » Aelys Ambros darda son regard bleu électrique sur le jeune homme. « Ce n’est pas très ... j’ai failli dire intéressant, mais finalement le mot qui convient le mieux est surement glorieux... » Un sourire vicieux vint se coller sur ses fines lèvres dans un geste calculé. « Mais, c’est vrai que je me ferais un plaisir de te compter mon histoire... » Elle avait appuyé sur le mot plaisir d’une façon trop forcée pour paraître innocent. « Ma...biographie,... » Le mot avait eu du mal à passer. «... Est ma fierté. Je me suis battue toute ma vie pour y arriver.

Je suis née dans les quartiers défavorisés d’Europe. Autant dire que ma vie était bien partit pour que le nom d’Aelys Ambros reste dans l’anonymat total, et que cette inconnue meurt un jour, par pur hasard –si hasard il y a,- par une balle perdue. Mais il se trouve que le destin m’a réservé autre chose...
Dès mes premiers pas, je me suis débrouillée toute seule, et surtout comme je le pouvais. Ma mère n’étant quasiment jamais là, je me suis baladée un peu partout dans l’ancien Immortal dès 6 ans. De l’ancienne et fière cité, ne restait plus que décombres et ruines. Très vite, je me suis habituée aux lieux et aux autres exilés, et j’ai commencé à explorer la décharge. Bientôt, trop pour mes quelques années sur cette terre, j’ai fait comme les autres : récupérer des matériaux pour créer un robot. Mais à 7 ans, qui pourrait y arriver ? Toujours est-il que je ne me décourageais pas. Dès fois, je me battais presque avec les autres enfants pour récupérer tel ou tel objet ! Au final, et après plusieurs années, j’ai fini par produire quelque chose. Oh, ce n’avait quasiment rien d’un robot de nos jours, bien sur, mais pour une gamine d’une dizaine d’années, c’est le nirvana ! Alistair, mon frère n’en revenait pas... » Celle que l’on surnommait l’implacable s’arrêta de parler quelques secondes, laissant son regard parler pour elle. Elle fouilla dans la poche de sa cape et en sortit un paquet de cigarette. « Alistair...C’est presque lui qui m’a élevé. Il m’a apprit a m débrouiller pour survivre dans ce monde. C’est grâce à lui si je sais me battre. » La jeune femme ne précisa pas si elle parlait de son caractère ou bien de façon physique. Elle alluma sa cigarette.

« A 16 ans, il est entré dans l’armée. » La phrase avait été crachée, comme si elle répugnait à sortir. Ses doigts se crispèrent sur la cigarette. « J’étais hors de moi, et je lui en ai fait par. Je crois n’avoir jamais hurlé aussi fort... » Son rire sonnait faux. « Ce con...La seule solution, tu parles ! Je le revois, me jurer qu’il ne pouvait pas faire autre chose, que pour s’en sortir, il fallait passer par là.... Je savais que s’il s’engageait la dedans, ca finirait mal...Et j’avais raison. Quoi qu’il en soit, nous nous sommes séparés sur deux voies complètement opposées ; Moi, étant trop têtue et bornée pour le suivre, je suis devenue tueuse à gage, et lui jouait les bons petits soldats à la solde des cruelles monarques...Enfin, en quelques années à peine, je me devais de reconnaître qu’il avait bien progressé ; Le nom d’Ambros se faisait connaitre dans l’armée, mon frère étant un très bon soldat apparemment... » Ces mots exprimaient un tel dédain qu’on pouvait se demander si la jeune femme ne parlait pas directement à son frère en disant cela. « Mais bien sur, son ascension si rapide ne plut pas du tout à certain...Alors, ils l’ont éliminé. » Fait banal ? Le ton de sa voix n’avait presque pas changé en disant cela. « Mon frère, éliminé. Ca m’a foutu en rogne. Vraiment. Alors, comme ca, la moindre chose qu’ils ne leur plaisaient pas, ils l’a viraient. Quelle surprise...Mon frère venait d’être tué. Et j’allais laisser ca comme ca, et m’apitoyer sur mon sort ? Rêve. C’est la que je me suis moi aussi engagée dans l’armée. Rien de plus facile en fait. Tu sais te battre ? Accepté. Tu ne crèves pas dès le premier jour ? Bien. Tu n’a pas peur de tuer ? Tu montes les échelons. Entretuons-nous pour y arriver, quelle philosophie...

C’est comme ca que j’y suis arrivée. Et que j’ai retrouvé l’assassin de mon frère. Ou plutôt, celui qui avait organisé son assassinat. Tu sais qui c’était ? Le vieux général qui se sentait en danger face à l’ascension spectaculaire du petit jeunot. Il l’a tué, je lui ai fait payer le même prix : sa vie. Pour une femme, il est moins difficile qu’un homme de s’introduire dans son bureau le soir, et pouvoir silencieusement le faire taire à jamais.... » Son regard avait de nouveau eu cette petite lumière de folie l’espace de quelques secondes. « Mais il se trouvait que je n’étais pas seule à vouloir sa mort. Je le revois, ce gros bonhomme joufflu, tomber sur le sol, le sang se répandant sur son superbe tapis flambant neuf... Au moment où il a touché le sol, une voix s’est élevée. “ Il y a vraiment un problème de sécurité par ici...“ C’était un homme blond, d’une trentaine d’année, tranquillement assis sur le rebords du bureau, un sourire aux lèvres. Au début, j’ai voulu le tuer aussi. Quand on commet un crime, il ne doit y avoir aucun témoin. Malheureusement, j’ai vite vu qu’il été bien plus résistant que ce que j’avais prévu. J’ai alors voulu passer un marché avec lui ; si je ne pouvais pas l’éliminer du jeu, mieux valait l’avoir dans mon équipe. Peut être pour mieux le poignarder dans le dos plus tard, qui sait... Il m’a rit au nez et s’est sauvé. Ce n’est que plus tard que j’ai appris qu’il était en fait colonel, et très bien placé pour parvenir au rang de général si l’actuel décédait subitement. En gros, j’avais fait le sale boulot à sa place. Je le maudissais.

Enfin, toujours est-il que j’avais fini mon travail, et que j’avais la possibilité de retourner à mon ancienne vie, en dehors d’Immortal. Mais je ne pouvais pas. Quand on n’a gouté à cette ville, on ne peut pas retourner dehors. J’ai tout d’abord décidé d’attendre encore un peu, pour réfléchir. Tu parles, je me mentais déjà. Je savais que je resterais là, à servir ces humains, tous pourris jusqu’à la moelle, a exécuter la manœuvre d’un pion sur un échiquier ou les joueurs étaient manipulés par des ficelles invisibles.

Je suis restée plusieurs jours à réfléchir. Rester dans l’armée, avoir une paye et un toit fixe, ou redevenir tueuse à gage, enchainer les autres petits boulots à la suite, et ne jamais savoir se qui allait arriver le lendemain ? Pour toute personne normalement constituée, le problème ne se posait pas. Mais évidemment, mon entêtement me faisait douter. C’est à ce moment que je l’ai recroisé. Le gars blond, chez le général. D’ailleurs, c’était lui qui avait prit sa place. Bref, il m’a aperçut dans un bar et m’a accosté. Il s’appelait Isaac. On a parlé. Longtemps. De tout et de rien. J’avais l’impression qu’il avait la même conception du monde que moi. Il m’a proposé de travailler pour lui, ce qui revenait à dire, se salir les mains pour lui. Pourquoi ai-je accepté ? Bonne question. Tuer ne me faisait pas peur, mais le faire pour ceux que je détestais, c’était impensable. Mais il se trouvait que lui aussi était un peu comme moi. Il n’était, certes, pas né hors d’Immortal, mais haïssait le gouvernement autant que moi. Son but était d’arriver à un post assez important pour pouvoir influencer la façon de faire du gouvernement. J’ai accepté.

Alors, je tuais ceux qui le gênaient pour monter les échelons et en compensation, lui m’aider à me faire connaitre dans le milieu. Même si a ce moment je n'étais plus qu'un charognard tueur, ca marchait et je m'en contentait. Evidemment que ça marchait, remarque. Mais bien sur, ca en faisait rager certain. On ne monte pas aussi vite dans l’échelle sociale sans une relation déjà haut placé pour nous y tirer, ou une aide de la presse. Alors, Isaac aussi fut marqué d’une croix rouge, a écarter définitivement. Eliminé du jeu. Un pion tombe pour laisser passer une tour. La loi du plus fort règne en maitre dans le monde des monarques. Rien ne les arrête s’ils se sentent en danger. L’instinct de survie écrase tout. Tout.

Et moi ? Encore seule. Alors j’ai continué, seule.
Quelques temps après, je me suis achetée un robot. Drôle de situation, moi qui n’aimait pas ces choses, trop impersonnels, et surtout, qui avaient fait écrouler le monde. Et pourtant, j’en ai obtenu un. Evidemment, je ne l’ai pas laissé comme ca, juste pour faire joujou avec. Après l’avoir trafiqué, j’en ai fait la copie conforme de mon frère, et l’ai nommé Allistair. »

Aelys venait enfin de refermer la bouche après son long monologue. Ses yeux n’avaient plus cette lueur cruelle qui avait brillé quelques secondes quand elle avait parlé de mort. Non, maintenant elle souriait à son interlocuteur, qui le lui rendait.

« Alors, j’ai grimpé. J’ai travaillé. Et j’ai tué. Mais j’y suis arrivée. Bien sur, arrivée au post de général à 24 ans, après avoir brillée a bord de Titans et par sa façon de se battre, diminue de beaucoup son espérance de vie... D’ailleurs, le bruit qu’Aelys Ambros était une femme trop indulgente commençait à courir à Immortal, et le nombre de mes adversaires politiques augmentaient de jours en jours... Alors, je me suis entourée de 5 hommes. 5 de mes hommes. Les meilleurs pilotes de Titans. Au début, je voulais moi-même les choisir parmi les militaires. Mais en faisant cela, la presse allait s’emparer de l’affaire, et partout on dira que l’ « implacable » cherche à détruire le gouvernement avec ses hommes. Toujours est-il que mes Kers sont les meilleurs. Bien sur, ils y en a certains que je préfère a cause de leurs caractères ou de leurs idéaux, mais il en faut toujours une petite part pour me rappeler que ce que je fais est dangereux, et que mon ambition est peut être beaucoup trop utopiste...Mais je continue. Encore et toujours. Moi et mon fichu entêtement... Je continue à vouloir croire que je peux renverser le gouvernement et Immortal avec. »